PARC LITTERAIRE DU PAYS DE L’UZEGE / PONT DU GARD

 

Actualité du 21/03/2023

Projet de création d'un Parc littéraire du pays de l'Uzège et du Pont Du Gard

 

Qu'est ce qu'un parc littéraire ?

Un parc littéraire, c'est un territoire avec des lieux dont la singularité et a la beauté sont révélées par des écrits d’auteurs.

La littérature est privilégiée mais d’autres formes d’écritures peuvent être proposées: des artistes, des musiciens, des photographes, des architectes, des paysagistes mais aussi des artisans, des agriculteurs, des cuisiniers sont autant d’auteurs potentiels dont la créativité est stimulée par les paysages et leurs terroirs.

L'objet du «Parc littéraire en Uzège Pont du Gard » est la mise en relation des acteurs locaux avec le réseau européen des Parcs Littéraire « Parchi Letterari ». Le site et le magazine internet publient les parcours d’auteurs, des articles, des études, des événements associes a la qualité des paysages naturels et culturels.

 

 

Le projet


Les parcs littéraires – présentés ou non sous ce terme, connaissent un certain essor en tant que supports culturels et de patrimonialisation des écrivains.
En cherchant à cumuler le littéraire avec de multiples expériences comme le tourisme et autre comme la randonnée ou l’écologie, ces parcs illustrent la tendance contemporaine à diversifier les pratiques dans le creuset d’une « paysagisation » au sein de laquelle la littérature prend, selon les cas, valeur de ferment et de garantie.
Centrée sur le cas des parcs littéraires italiens, institution pionnière en la matière, notre projet cherche à décrire l’exposition de la littérature à l’œuvre dans ces espaces dont les prérogatives ne sont plus muséologiques au premier chef.
Parce que les parcs littéraires restent de toute façon des lieux véhiculant une conception (au moins latente) du patrimoine qu’ils mettent à l’honneur, l’image des écrivains rendue par leur discours, leur scénographie et leurs contenus demeure pertinente à analyser et surtout à exploiter culturellement.

Dès lors, à travers le cas par exemple de Gabriele D’Annunzio, représenté en Italie dans deux « parcs » que sont, chacun à leur façon, le Vittoriale et le Parco letterario Gabriele D’Annunzio, on pourra pousser un questionnement plus topologique sur l’«effet parc » dans l’exposition littéraire.
La comparaison qui précède n’avait pas pour vocation de gommer l’évidente disproportion qui existe, en termes de valeur patrimoniale, entre le Parco letterario Gabriele D’Annunzio et le Vittoriale degli Italiani. C’est la présence, entre leurs deux mises en discours, d’un antagonisme, ou en tout cas d’une nette polarisation, qui justifiait avant tout qu’on lise en regard ces deux « parcs » littéraires dont chacun semble prendre l’autre à contrepied. L’un se veut dix-neuvièmiste, post-historique, régionaliste, l’autre exhibe son culte politique du xx e siècle avec un biais nationaliste
rétrospectivement gênant..
L’exposition écocentrée d’ici paraît donc aux antipodes de l’exposition dûment inventoriée de là-bas. Enfin, si le Vittoriale est un domaine largement autographe,même s’il n’a été « dénoncé » comme parc (pour sa logique d’attractions) et muséifié seulement a posteriori, l’autre, fondé à presque soixante ans de la mort du maître,
s’énonce d’emblée comme un parc littéraire.



Chez nous à St Siffret, notre concitoyen, historien, Paul Carbon publie des ouvrages qui présentent un panorama de près de 49 villages qui composent nos communautés de communes sous la forme d’histoires et d’Histoire de la préhistoire à nos jours pour présenter notre territoire aux beautés remarquables dans un contexte en perspective
avec l’histoire de l’Europe et de la France.
En découvrant le site et le magazine « Parchi Litterari » (centaines de milliers de visiteurs /an en Italie), la réaction de Didier Riesen maître d’œuvre de notre projet fut celle d’une évidence.
Nous avons aussi des parcs naturels, mais que n’avons-nous eu la belle idée de créer des parcs littéraires ! Rejoindre la brillante initiative de nos amis d’Italie sera un honneur et un magnifique symbole tant notre héritage de la civilisation romaine est fondateur de notre identité locale .
Didierl Riesen.

Un Label « Art et histoire » a été attribué à notre pays d’Uzège, et, celui de « Grand Site de l’UNESCO, Patrimoine Mondial » dévoile un paysage d’une grande beauté autour du Pont du gard. Son environnement prend en compte l’habitat et les manifestations visibles de l’activité humaine (Scheese, 2002 : 7-8 ; Despraz, 2008). À
cette éthique s’oppose l’éthique biocentrée.
L’approche biocentrée n’est envisageable qu’à l’échelle de réserves très restreintes, ou dans des environnements peu marqués par la présence humaine – comme pour les parcs nationaux américains (Yellowstone, Yosemite, etc.)
Le « paysage » est défini par les sciences environnementales comme l’état du territoire au sein duquel s’entremêlent l’espace naturel et la marque des interventions de l’homme. Le choix de développement qui en découle, appelé éthique écocentrée, vise à protéger.

Encore faut-il préciser l’orientation de ce tourisme et les enjeux de l’intervention « peu coûteuse ». Ce tourisme n’a rien de massif : aucun parc littéraire ne s’installe dans une région touristiquement prospère, et l’intervention, lorsqu’elle a lieu, s’y veut modérée, cantonnée à une gestion de terrain. Reste que, dans ce tourisme très localisé, refusant (ou n’ayant pas les moyens) de pratiquer la surenchère routière et hôtelière, on retrouve les principales caractéristiques du trans-tourisme : C’est que l’initiative locale, toutes spécialités confondues, est au moins aussi importante que l’intérêt muséologique ou patrimonial pour décider de l’opportunité d’ouvrir un parc littéraire. Souvent, la puissance organisatrice est d’ailleurs extralittéraire, même quand de solides bases patrimoniales existent pour l’exposition.De façon sous-jacente à l’éthique écocentrée revendiquée, on trouve toujours plusieurs partenaires convergeant autour d’un projet de développement économique.

 

 

 

Pourquoi un parc littéraire en Uzège, Pont du Gard ? (Didier Riesen)


En découvrant le site et le magazine Parchi Letterari, notre réaction fut celle d’une évidence : nous avons aussi des parcs naturels, mais que n’avons nous eu la belle idée de créer des parcs littéraires !
Rejoindre la brillante initiative de nos amis d’Italie serait un honneur et un magnifique symbole tant notre héritage de la civilisation romaine est fondateur de notre identité locale.

L’Uzège - Pont du Gard est situé dans le couloir Rhodanien entre notre mer Méditerranée commune, le majestueux mont Ventoux et la chaine des montagnes bleues des Cévennes. Territoire rural, bordé par Avignon, Nîmes et Arles, on y cultive la vigne, les fruits, les asperges, l’olivier et la truffe.
Le mistral est puissant, le soleil ardent, la lumière cristalline, qui a séduit tant d'artistes. Les accents chantent. La parole est plutôt volubile du coté provençal, plus austère du coté occitan.

Francesco Petrarque, François Rabelais, Michel Montaigne, Jean Racine, Jean-Jacques Rousseau, Alexandre Dumas, Victor Hugo, Alphonse Daudet, Lawrence Durrell, André Gide...Qui mieux que ces auteurs pour inviter à découvrir, à comprendre, à vivre plus intensément cette belle terre du Sud qu’est l’Uzège.

La lecture de leurs écrits nous aide à appréhender la complexité et la beauté des paysages.
Elle est aussi une invitation à les ménager, à en prendre soin. Mais laissons ces écrivains nous raconter ...
 

« Au début, frappé par cet air étrangement Léger et par ce spectacle grandiose, je suis resté comme frappé de stupeur », écrivait Francesco Petrarca après son ascension du mont Ventoux. Le regard émerveillé, le poète invente l’idée même de paysage (mot inventé par les peintres un siècle plus tard), et invite à un nouveau rapport au monde, prémice de l’humanisme.

« Un de mes plus chers souvenirs, c’est ce jour où j’ai lu René pour la première fois, dans une grotte escarpée, à mi hauteur de la garrigue. En face de moi, de l’autre coté de la vallée, Uzès en plein soleil, j’étais seul dans une ombre délicieuse. Les bruits de la ville m’arrivaient doucement: il y a fort longtemps de cela. Depuis je ne crois pas avoir retrouvé de tels
charmes
».
André Gide, Journal 1887-1925.

Et que ces auteurs n’ont-ils dit du pont du Gard, monument classé au Patrimoine mondial de l’UNESCO! Emblème du département du Gard, il est aussi au coeur de l’identité de ce pays rural. Les recommandations de Vitruvius dans son Traité d’architecture (-15 avant J-C) semblent y avoir été respectées à la perfection: « Firmitas , Utilitas, Venustas ». Des principes reconnus par la suite par de nombreux écrivains. « Une oeuvre plus digne qu’humaine », dira du Pont du Gard François Rabelais dans Pantagruel, 1534.

« Après un déjeuner d’excellentes figues ..., j’allai voir le pont du Gard. C’était le premier ouvrage des Romains que j’eusse vu. Je m’attendais à voir un monument digne des mains qui l’avaient construit. Pour le coup, l’objet dépassa mon attente et ce fut la seule fois de ma vie ... On se demande quelle force a transporté ces pierres énormes si loin de leur carrière, et a
réuni les bras de tant de milliers d’hommes dans un lieu où il n’en n’habite aucun... Le retentissement de mes pas sous ces immenses voûtes me faisait croire entendre la forte voix de ceux qui les avaient bâties ... Je sentais tout en me faisant petit, je ne sais quoi qui m’élevait l’âme et je me disais en soupirant : « que je ne suis né romain ». Je restai là quelques heures durant dans une contemplation ravissante
».
Jean-Jacques Rousseau, Les confessions,1781.

« Il est impossible de se faire une idée de l’idée de l’effet produit par cette chaîne granitique qui réunit deux montagnes, par un arc en ciel de pierre qui remplissent tout l’horizon, par ces trois étages de portiques qu’ont splendidement doré dix huit siècles de soleil... Rien ne m’est apparu aussi beau, aussi virgilien que cette magnifique épopée de granit qu’on appelle Pont du Gard ».
Alexandre Dumas, Impressions de voyage,1834.

« Vous savez que ce monument, qui n’était qu’un simple aqueduc, s’élève majestueusementau milieu de la plus profonde solitude. L’âme est jetée dans un long et profond étonnement...
Par bonheur pour le plaisir du voyageur né pour les arts, de quelque coté que sa vue s’étende, elle ne rencontre aucune trace d’habitation, aucune apparence de culture: le thym, la lavande sauvage, le genévrier, seules productions de ce désert y exhalent leurs parfums solitaires sous le ciel d’une sérénité éblouissante. L’âme est laissée tout entière à elle-même, et l’attention est ramenée forcément à cet ouvrage du peuple-roi qu’on a sous les yeux.

Ce monument doit agir, ce me semble, comme une musique sublime... On y trouve aucune apparence de luxe et d’ornement, les Romains faisaient de ces choses étonnantes... L’idée éminemment moderne, l’arrangement pour faire de l’effet est rejetée bien loin de l’âme du spectateur... Les passions vraies ont leur pudeur... ».
Stendhal, Mémoires d’un touriste,1838.

« La fontaine d’Eure est cette constante rivière que les Romains avaient captée et amenée jusqu’à Nîmes par l’aqueduc fameux du pont du Gard. La vallée où elle coule, à demi cachée par des aulnes, en approchant d’Uzès, se rétrécit. Ô petite ville d’Uzès! Tu serais en Ombrie, des touristes accouraient de Paris pour te voir ! ... A l’extrême pointe de cet ilot, je venais rêver ou lire... ».
André Gide, Si le grain ne meurt, 1926.


Entre Uzès et le pont du Gard, cette ballade littéraire en Uzège nous arrête aussi au château de Castille. En 1778, Gabriel de Froment entreprit un Grand Tour d’Italie.

De retour à Uzès avec les gravures de Piranese dans ses bagages, il entreprit en 1789 la réalisation d’un parc de fabriques architecturales inspirées par l’Antiquité romaine. Une biographie paysagère où chaque construction évoquait « ce qu’il avait vu et lui avait plu ». Dans son parc, un labyrinthe romantique, le baron de Castille rendit aussi hommage, entre autres, à Jean-Jacques Rousseau et à Louise de Stolberg, comtesse d’Albany, compagne du poète Alfieri et grande amie du peintre François Xavier Fabre. Rencontrée à Florence en 1778, le baron deCastille lui écrira régulièrement jusqu’en 1824.

En 1950, l’important historien et collectionneur de peintures cubistes, Douglas Cooper termina son Grand Tour d’Italie par le pont du Gard. Par hasard, il découvrit le château de Castille, à l’abandon. « Nous étions dans une peinture des ruines antiques d’Hubert Robert », me racontait en 2018 son ancien compagnon de l’époque, John Richardson. Ce coup de foudre changea la vie de Douglas Cooper.

Le château aux mille colonnes devint ainsi le château des cubistes: Fernand Léger, Georges Braque, Nicolas de Stael, Pablo Picasso, David Hockney, Francis Bacon, Jean Cocteau, Michel Leiris, Coco Chanel, Louise de Vilmorin... en furent les hôtes réguliers.

En 1962, Picasso réalisa au château de Castille, sa seule fresque monumentale en béton en France, directement inspirée de Manet, Matisse, Poussin et David. Deux panneaux sont consacrés à l’enlèvement des Sabines, dont le mythe fondateur fut utilisé par le maestro pour réagir contre le risque de guerre suite à l’installation de missiles soviétiques à Cuba.

Après Guernica, Massacre en Corée et Le charnier, ce tableau fut la dernière oeuvre pacifiste de l’artiste.

Je terminerai cette invitation à venir lire nos paysages par cet extrait de Jean Racine qui séjourna à Uzès de 1661 à 1663. Il y lut, entre autres, L’Odyssée et Virgile.

« Enfin, lorsque la nuit a déployé ses voiles,
La lune, au visage changeant,
Paraît sur un trône d'argent,
Et tient cercle avec les étoiles,
Le ciel est toujours clair tant que dure son cours,
Et nous avons des nuits plus belles que vos jours.
»
Jean Racine, Lettre à Monsieur Vitart, 1662.

Nul doute que tous ces éminents artistes auraient été enthousiastes à l’idée de participer aux « Parchi Letterari ».

 

Auteur : Didier Riesen